J’ai discuté avec la folie, elle m’a donné ses raisons

Article : J’ai discuté avec la folie, elle m’a donné ses raisons
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17 juillet 2020

J’ai discuté avec la folie, elle m’a donné ses raisons

Saviez-vous que la folie a ses raisons que la société ignore ? Le billet que vous vous apprêtez à lire n’est pas celui de l’auteur. C’est le mien. Moi ? Qui suis-je ? Vous ne vous rappelez pas, mais nous nous sommes peut-être déjà rencontrés.

Je suis cet anonyme animé dont vous évitez de croiser le regard. Parfois, je prends l’apparence d’un homme, d’autres fois celui d’une femme. Mais je reste une présence que la société en général fait fi de ne pas remarquer. Dans l’immensité de la foule, je suis un moins-que-rien, une simple ombre. Je pourrais vous donner mon vrai nom, mais cela ne changerait rien du tout. Dans cette société imparfaite dans laquelle vous et moi vivons, on m’appelle « le fou« .

Je comprends que vous soyiez choqué par ma dénomination, ou pas. Donc si vous voulez, vous pouvez aussi m’appeler le malade mental, l’aliéné, ou encore le dément. J’imagine, vous vous demandez pourquoi tous ces noms ? Bah ! Il paraît que j’ai perdu la raison. Pourtant, quand je vois le regard que vous portez sur ma personne, j’ai l’impression que c’est vous qui en cherchez, des raisons.

Pourquoi je suis complètement nu ? Pourquoi je suis en train d’errer dans la rue ? Ou encore, pourquoi je vis ainsi ? Tellement de pourquoi auxquels il n’y a pas de réponse. À un moment, on finit par se dire que c’est normal et on m’ignore, comme si j’avais moi-même choisi de vivre ainsi. Mais où est le respect de la dignité ?

Les enchaînés

C’est évident que je me mette en colère. Mais je ne peux pas vous en vouloir. La folie fait peur en Afrique, très peur. Un jour, quelqu’un a osé me dire que j’avais de la chance de me pavaner en costume d’Adam. Au moins je pouvais me vanter de n’appartenir à aucune tendance. Ailleurs, les gens comme moi, on les prive du peu de liberté qui reste en les mettant de chaînes au pied. À force, on a fini par nous appeler aussi « les enchaînés ».

Attention, je ne vous raconte pas tout cela pour que vous ayez pitié de moi. Si vous continuez de me lire, permettez-moi déjà de vous dire merci. Merci parce que vous avez maintenant le pouvoir d’aller expliquer à nos frères que toutes les personnes comme moi sont malades. Ce n’est ni les conséquences dues à certaines pratiques mystiques, ni le résultat du mode de vie que nous avions.

Il arrive que l’esprit soit durement éprouvé face aux coups de la vie. Et malheureusement nous n’avons pas tous la capacité de résilience. Ce qui me désole encore plus, c’est que dans cette société dont je vous ai parlé, on croit que les gens atteints de folie comme moi ne peuvent guérir. Historiquement d’ailleurs, les maladies mentales ont toujours été au bas de la liste des priorités de santé.

S.O.S retour à la dignité

En Afrique et dans le monde, notre cas est loin derrière les menaces mortelles comme le paludisme, la rougeole et le sida. Même le coronavirus apparu il y a peu nous fait de l’ombre. Si cette société dans laquelle nous vivons veut sauver les personnes comme moi, elle peut déjà commencer par nous faire quitter la rue. Ensuite, on pourra voir avec les centres d’hébergement et l’allégement des coûts de traitements.

Quelque part dans un coin de nos têtes, nous rêvons de retrouver notre pudeur et notre dignité. Si vous voulez nous aider à trouver le bonheur, tournez-vous la prochaine que vous nous verrez et regardez-nous réellement comme nous sommes. Juste des êtres humains qui ont besoin d’être aimés.

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Commentaires

P.Prvsk
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On ne pourra jamais les comprendre, j'aurai bien aimé est un psychiatre pour essayer de savoir ce qui se passe dans leur cerveau.

Clément Gado
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je te propose d'être tel que tu es. Un humain normal capable de voir quand son prochain se trouve en difficulté.